Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Agression

Histoire et enjeux d’une définition

L’acte d’agression est aujourd’hui considéré comme la forme la plus grave du recours illicite à la force. En effet, au sein de l’ordre international qui prévaut depuis le traité de Westphalie de 1648 et l’affirmation de la souveraineté étatique, l’agression apparaît comme le crime le plus grave qui puisse être commis puisqu’il porte atteinte à l’existence même de l’État, c’est-à-dire son intégrité territoriale, et, ce faisant, aux principes essentiels du droit international.

Au milieu duxx esiècle, la suppression progressive du droit de faire la guerre (contenu dans le pacte de la Société des Nations de 1919 et repris en 1928 par le pacte Briand-Kellogg) a limité le droit de recourir à la force aux situations de légitime défense en cas d’agression.

En 1945, le tribunal de Nuremberg a érigé l’agression au rang de crime contre la paix, entraînant la responsabilité pénale internationale des agresseurs. Son article 6 définit ce crime comme « la direction, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression ou d’une guerre de violation des traités ».

La Charte des Nations unies de 1945 a repris l’ensemble de cet héritage. Elle a interdit l’agression et le recours à la force dans les relations entre États, à part dans les cas de légitime défense. Elle a mis en place un système de sécurité collective sous la responsabilité du Conseil de sécurité. La Charte de l’ONU ne contient pas de définition de l’agression. Le mandat du Conseil de sécurité est articulé autour de la notion plus large de menace à la paix et à la sécurité internationales. C’est lui qui est compétent pour constater ce type de menace contre la paix et prendre les mesures adéquates, y compris le recours à la force collective. La recherche d’un consensus international sur la définition de l’agression a été longue et difficile, entre les États partisans d’une définition stricte limitée à l’intervention miliaire étrangèresur le territoire d’un État, et ceux qui souhaitaient une définition plus large qui reflète les différentes formes d’ingérence et d’atteinte à la souveraineté étatique.

Ce n’est qu’en 1974 que l’Organisation des Nations unies a adopté une définition de l’acte d’agression. Cette notion d’agression a également été précisée par les décisions de la Cour internationale de justice. De leur côté, les organisations intergouvernementales régionales telles que l’Organisation des États américains ou l’Union africaine ont également adopté des définitions, en général plus larges. Ces définitions servent de fondement d’une part à l’exercice du droit à la légitime défense et des mécanisme de sécurité collective sur le plan régional ou universel, et d’autre part à la mise en cause de la responsabilité juridique de l’État fautif devant les institutions telles que la Cour internationale de justice ou des instances judiciaires régionales.

En 1998, lors de la rédaction du statut de la Cour pénale internationale, l’acte d’agression est revenu dans le champ du droit pénal international. Toutefois, la CPI n’avait qu’une compétence de principe à l’égard de ce crime car les États n’étaient pas parvenus à un accord sur sa définition. En 2010, la Conférence de révision du statut de Rome à Kampala a finalement permis l’adoption d’une définition du crime d’agression.

L’agression est donc définie et interdite aujourd’hui à la fois par le droit international public et par le droit pénal international. Cet acte peut donc engager la responsabilité de l’État fautif du fait de ses actes illicites. Cette responsabilité étatique peut être engagée devant la Cour internationale de justice et donner lieu en cas de condamnation à l’obligation de faire cesser les actions illicites et de réparer les préjudices causés aux États tiers. Cet acte peut également engager la responsabilité pénale individuelle des auteurs de ces actes devant la Cour pénale internationale. Dans ce cas, la Cour pénale internationale pourra prononcer des condamnations à des peines de prison pour les individus reconnus coupables ainsi que des mesures d’indemnisations individuelles pour les victimes. Actuellement, ce sont des mesures d’indemnisations collectives plutôt qu’individuelles qui sont mises en place. (Voir ▹ Réparation-IndemnisationCour internationale de justice (CIJ)Cour pénale internationale (CPI) .)

Les définitions de l’agression

Par les Nations unies

L’article 2 (4) de la Charte des Nations unies, adoptée en juin 1945 à la conférence de San Francisco, stipule que « les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies, » au nom du principe de règlement pacifique des différends.

Cependant, le recours à la force armée est autorisé dans deux circonstances :

  • dans les cas de légitime défense, individuelle ou collective, autorisée par l’article 51 de la Charte de l’ONU ;
  • lorsque le recours à la force est autorisé par le Conseil de sécurité de l’ONU dans le but de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales, conformément à l’article 42 de la Charte de l’ONU.

Légitime défenseMaintien de la paix .

L’article 39 de la Charte dispose par ailleurs que le Conseil de sécurité est le seul organe compétent pour constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, sans toutefois donner de définition de l’agression. Faute de trouver un consensus lors des premières sessions de travail de l’Assemblée générale, la question de la définition de l’agression fut transmise à la Commission du droit international des Nations unies (CDI). Cependant, la CDI ne réussit pas non plus à s’entendre sur une définition, le rapporteur spécial ayant conclu dans son rapport à l’Assemblée générale de 1951 que l’agression, « de par sa nature même, [n’était] pas susceptible d’être définie » (A/CN.4/44, p. 68). Plusieurs autres comités spéciaux seront chargés par l’Assemblée générale de proposer une définition de l’agression, mais tous échoueront à s’accorder sur une définition consensuelle.

Il faut donc attendre 1974 pour que l’ONU adopte une définition unanime de l’agression. La résolution 3314 de l’Assemblée générale, qui s’inspire largement de la définition de l’agresseur proposée en 1935 lors de la Conférence sur la réduction et la limitation des armements, définit l’agression comme « l’emploi de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies ». Dans cette définition, l’Assemblée générale précise que le terme d’État fait référence à n’importe quel État, pas seulement les États membres des Nations unies, et qu’il inclut, le cas échéant, la notion de « groupe d’États ». Selon l’ONU, l’emploi de la force armée en violation de la Charte par un État « agissant le premier constitue à première vue la preuve suffisante d’un acte d’agression », cependant cet acte doit être d’une « gravité suffisante » pour être constaté comme tel.

Les actes suivants constituent au regard de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies des actes d’agression, sans que cette liste ne soit limitative :

  1. l’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre État ;
  2. le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou l’emploi de toutes armes par un État contre le territoire d’un autre État ;
  3. le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État ;
  4. l’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, navales ou aériennes d’un autre État ;
  5. l’utilisation des forces armées d’un État qui sont stationnées sur le territoire d’un autre État avec l’accord de l’État d’accueil contrairement aux conditions prévues dans l’accord, ou toute prolongation de leur présence sur le territoire en question au-delà de la terminaison de l’accord ;
  6. le fait pour un État d’admettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d’agression contre un État tiers ;
  7. l’envoi par un État, ou en son nom, de bandes ou de groupes, de forces irrégulières ou mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait d’engager de manière substantielle une telle action.

Cette définition se base sur trois critères principaux : i) l’agression est un acte étatique engageant la responsabilité de l’État ; ii) elle implique l’usage de la force armée ; et iii) elle doit atteindre un certain degré de gravité afin d’être qualifiée comme telle et d’autoriser des réactions en légitime défense ou des sanctions par la communauté internationale. Cette définition exclut les agressions de type idéologique ou économique et ne prévoit pas la possibilité que les actes d’agression soient le fait d’acteurs non étatiques (groupe armé ou autre).

Il est important de noter que, malgré l’adoption de cette définition en 1974, le Conseil de sécurité a continué à utiliser la terminologie plus neutre de menace à la paix et à la sécurité internationales dans sa future gestion des crises, telles que les invasions successives du Liban par Israël en mars 1978 et juin 1982, ou l’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990, alors même que l’invasion est constitutive d’un acte d’agression dans la résolution 3314 de l’Assemblée générale.

Par la Cour internationale de justice

Dans son jugement rendu dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique, fond, arrêt, CIJ Recueil 1986 , p. 14), la Cour internationale de justice a interprété la définition de l’agression en affirmant que « si la notion d’agression armée englobe l’envoi de bandes armées par un État sur le territoire d’un autre État, la fourniture d’armes et le soutien apporté à ces bandes ne sauraient être assimilés à [une] agression armée » (§ 247). La Cour a ainsi affirmé que la fourniture d’armes, de renseignements et de soutien logistique à un groupe armé par un État étranger était bien un manquement au principe du non-emploi de la force ainsi qu’une intervention dans les affaires intérieures d’un État, c’est-à-dire un « comportement certes illicite, mais d’une gravité moindre que l’agression armée ». Par ailleurs, la Cour a souligné que l’agression indirecte au sens de l’article 3.g de la résolution 3314 de l’Assemblée générale devait, pour être qualifiée comme telle, consister en « l’envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés […] contre un autre État d’une gravité telle qu’ils équivalent à une véritable agression armée accomplie par des forces régulières » (§ 195). La Cour considère en outre que cette description est l’expression du droit international coutumier : « […] en droit international coutumier la prohibition de l’agression armée [peut] s’appliquer à l’envoi par unÉtat de bandes armées sur le territoire d’un autre État si cette opération est telle par ses dimensions et ses effets qu’elle aurait été qualifiée d’agression armée et non de simple incident de frontière si elle avait été le fait de forces armées régulières » (§ 195). Ce faisant, la Cour restreint l’application de la résolution 3314 de l’Assemblée générale puisqu’elle implique que ces « bandes armées, mercenaires ou forces irrégulières » doivent posséder des capacités de frappe militaire équivalentes à celles de forces armées régulières.

Dans sa décision du 19 décembre 2005 relative aux Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda, arrêt, CIJ Recueil 2005 , p. 168, § 146), la Cour internationale de justice a estimé que l’agression prétendue de la RDC sur l’Ouganda n’était pas établie en droit car il n’existait pas de preuve satisfaisante d’une implication directe ou indirecte de la RDC dans les attaques du territoire ougandais par les groupes armés agissant à partir du territoire congolais. Selon la Cour, ces attaques n’étaient pas le fait de bandes armées ou de forces irrégulières envoyées par la RDC ou en son nom au sens de la définition de l’agression [article 3.g de la résolution 3314 (XXIX)]. Par conséquent, les conditions de droit et de fait n’étaient pas réunies pour justifier la légitime défense de l’Ouganda (§ 146). L’incapacité d’un État à contrôler les activités et groupes agissant à partir de son territoire ne suffit donc pas à établir l’agression puisque celle-ci suppose que l’agression soit menée par un État ou par des forces agissant sous son contrôle, en son nom et pour son compte.

Par la Cour pénale internationale

À l’origine, le statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté en 1998 et entré en vigueur en 2002, ne définissait pas le crime d’agression et ne conférait à la Cour qu’une compétence de principe à l’égard de ce crime, notamment parce que le Conseil de sécurité des Nations unies restait le seul organe compétent pour constater l’existence d’un acte d’agression. Le statut prévoyait dans son article 5 que « la Cour exercera sa compétence à l’égard du crime d’agression quand une disposition aura été adoptée conformément aux articles 121 et 123, qui définira ce crime et fixera les conditions de l’exercice de la compétence de la Cour à son égard. Cette disposition devra être compatible avec les dispositions pertinentes de la Charte des Nations unies ». Les articles 121 et 123 du statut fixent les conditions d’amendement et de révision du statut, prévoyant notamment la convocation par le secrétaire général des Nations unies d’une conférence de révision du statut de Rome sept ans après l’entrée en vigueur de celui-ci. C’est huit ans après son entrée en vigueur que la 1reconférence de révision du statut de Rome s’est tenue, du 31 mai au 10 juin 2010, à Kampala, Ouganda. Durant cette conférence, l’Assemblée des États parties a adopté une résolution définissant le crime d’agression ainsi que les conditions d’exercice de la compétence de la Cour à l’égard de ce crime. La définition du crime d’agression, proposée par le Groupe de travail spécial sur le crime d’agression, est inspirée de la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies de 1974. Elle constitue le nouvel article 8 bis au statut de Rome, et se lit comme suit :

« 1. Aux fins du présent statut, par “crime d’agression” on entend l’organisation, la préparation, le lancement ou l’exécution, par une personne capable d’exercer uncontrôle effectif ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par son caractère, sa gravité et son échelle, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.

  1. Aux fins du paragraphe 1, par “acte d’agression” on entend le recours à la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou tout autre acte similaire incompatible avec la Charte des Nations Unies. On entend par acte d’agression l’un des actes ci-après, indépendamment d’une éventuelle déclaration de guerre, conformément à la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de l’Assemblée générale des Nations unies :
  2. le fait pour des forces armées d’un État d’envahir ou d’attaquer le territoire d’un autre État, ou d’occuper militairement, peu importe la durée, en conséquence d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou d’annexer par le recours à la force le territoire d’un autre État ;
  3. le fait pour des forces armées de bombarder ou de diriger des armes contre le territoire d’un autre État ;
  4. le fait pour des forces armées de bloquer les ports ou les côtes d’un autre État ;
  5. le fait pour des forces armées d’attaquer les forces de terre, de mer ou de l’air ou les flottes marine ou aérienne d’un autre État ;
  6. le fait pour un État d’avoir recours à ses forces armées alors que celles-ci sont stationnées, avec son accord, sur le territoire d’un autre État en violation des conditions prévues par l’accord ou de prolonger sa présence sur le territoire après l’expiration de l’accord ;
  7. le fait pour un État de mettre son territoire à la disposition d’un autre État pour que celui-ci commette un acte d’agression contre un État tiers ;
  8. le fait pour ou au nom d’un État d’envoyer des groupes armés ou des mercenaires mener contre un autre État des actes militaires dont la gravité ou les implications sont équivalentes à celles des actes listés ci-dessus. »

En vertu de ce nouvel article, l’acte d’agression devient un crime engageant la responsabilité pénale individuelle des auteurs qui le commettent, et plus seulement la responsabilité de l’État.

Les Éléments de crimes de la Cour ont également été amendés pour préciser les éléments constitutifs de ce nouveau crime. Un des éléments affirme notamment que le crime d’agression doit être perpétré par un ou plusieurs individus ayant un contrôle effectif ou direct sur l’appareil politique et militaire d’un État. Cette définition est restrictive puisqu’elle exclut les poursuites au titre de l’agression contre les membres des groupes armés non étatiques agissant ou non pour le compte d’un État étranger. Les poursuites pénales contres les responsables de ces groupes armés non étatiques restent cependant possibles devant la CPI au titre des autres crimes. En outre, la jurisprudence actuelle semble indiquer que les attaques commises par des groupes armés non étatiques pourraient être reconnues par les juges comme constitutives d’un acte d’agression s’il est prouvé que ces groupes agissent comme agent de fait d’un État étranger.

À la différence des autres crimes prévus dans le statut de Rome, le crime d’agression est soumis à des conditions de saisine plus strictes. En effet, concernant l’agression, le procureur ne peut ouvrir une enquête de sa propre initiative ( propio motu ) ou sur renvoi par un État que si le Conseil de sécurité des Nations unies a lui-même reconnu l’acte d’agression (voir art. 39 de la Charte de l’ONU), ou si la chambre préliminaire de la Cour a elle-même autorisé l’ouverture d’une enquête dans le cas où, plus de six mois après l’événement, le Conseil de sécurité n’aurait pas officiellement reconnu l’acte d’agression. Par ailleurs, la Cour n’est compétente que pour juger les actes d’agression commis entre États parties.

Enfin, la Cour ne pourra exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression que lorsque au moins trente (30) États parties auront ratifié ou accepté l’amendement, et que les deux tiers des États parties auront adopté une décision pour activer la compétence de la Cour, à compter du 1erjanvier 2017.

Cour pénale internationale (CPI) .

Par l’Organisation des États américains (OEA)

Le Traité interaméricain d’assistance mutuelle, adopté à Rio de Janeiro, Brésil, en 1947, ainsi que la Charte de l’Organisation des États américains, signée en 1948 à Bogota, Colombie, interdisent la guerre d’agression et affirment que la victoire d’une guerre ne crée pas de droits pour l’État agresseur (article 3.g de la Charte). Selon l’OEA, l’agression contre un État américain constitue une agression contre tous les autres États américains (article 3.3) du traité et article 3.h de la Charte).

L’article 9 du traité définit deux types d’agression : i) l’attaque armée injustifiée par un État contre le territoire, la population ou les forces armées terrestres, maritimes ou aériennes d’un autre État, et ii) l’invasion, par les forces armées d’un État, du territoire d’un État américain. Par ailleurs, l’article 21 de la Charte stipule que le territoire d’un État est inviolable, et qu’en ce sens « il ne peut être l’objet d’occupation militaire ni d’autres mesures de force de la part d’un autre État, directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit et même de manière temporaire ».

En outre, l’OEA prévoit la possibilité qu’une agression ne soit pas forcément le fait d’une attaque armée (article 6 du traité et article 29 de la Charte). Le texte ne donne pas de précisions sur ce genre d’attaque, mais on peut penser au cas de l’agression économique ou à des formes détournées de subversion politique ou d’ingérence, qui pourraient entrer dans la catégorie de ces « mesures de force indirectes » mentionnées plus haut.

Par l’Union africaine

Le 31 janvier 2005, les États membres de l’Union africaine ont adopté le Pacte de non-agression et de défense commune de l’Union africaine à Abuja, au Nigeria. Ce pacte est entré en vigueur le 18 décembre 2009, il a été signé par 43 pays mais n’est ratifié que par 20 pays en juin 2015.

L’article 1.c du pacte définit l’agression de façon plus large que les autres instruments internationaux puisqu’il va au-delà des actes commis contre le seul territoireet inclut les attaques contre les deux autres composantes de l’État : la souveraineté politique et la population.

Il propose une définition de l’acte d’agression beaucoup plus large que celle proposée par l’ONU, la CIJ et la CPI, en intégrant la possibilité qu’une agression soit perpétrée par des groupes armés mais aussi par des groupes terroristes sur le territoire d’un État (« toute entité étrangère ou extérieure »), mais également en considérant que la fourniture par un État de tout soutien à des groupes armés pouvant perpétrer des actes hostiles contre un État membre peut constituer un acte d’agression, ce qui va beaucoup plus loin que l’interprétation faite par la Cour internationale de justice (voir supra ).

« “Agression” signifie l’emploi par un État, un groupe d’États, une organisation d’États ou toute entité étrangère ou extérieure, de la force armée ou de tout autre acte hostile, incompatible avec la Charte des Nations unies ou l’Acte constitutif de l’Union africaine, contre la souveraineté, l’indépendance politique, l’intégrité territoriale et la sécurité humaine des populations d’un État partie au présent pacte.

Les actes suivants constituent des actes d’agression, sans déclaration de guerre par un État, groupe d’États, organisation d’États ou acteurs non étatiques ou entité étrangère :

  1. l’utilisation de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique d’un État membre, ou tout autre acte incompatible avec les dispositions de l’Acte constitutif de l’Union africaine et de la Charte des Nations unies ;
  2. l’invasion ou l’attaque du territoire d’un État membre par les forces armées, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un État membre ;
  3. le bombardement du territoire d’un État membre, ou l’emploi de toutes armes contre le territoire d’un État membre ;
  4. le blocus des ports, des côtes ou de l’espace aérien d’un État membre ;
  5. l’attaque contre les forces armées terrestres, navales ou aériennes d’un État membre ;
  6. l’utilisation des forces armées d’un État membre qui sont stationnées sur le territoire d’un autre État membre avec l’accord de l’État d’accueil, contrairement aux conditions prévues dans le présent Pacte ;
  7. le fait pour un État membre d’admettre que son territoire qu’il a mis à la disposition d’un autre État membre soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d’agression contre un État tiers ;
  8. l’envoi par un État membre ou en son nom ou la fourniture de tout soutien à des groupes armés, à des mercenaires et à d’autres groupes criminels transnationaux organisés qui peuvent perpétrer des actes hostiles contre un État membre, d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans de tels actes ;
  9. les actes d’espionnage qui pourraient être utilisés à des fins d’agression militaire contre un État membre ;
  10. l’assistance technologique de toute nature, les renseignements et la formation au profit d’un autre État, pour utilisation aux fins de commettre des actes d’agression contre un État membre ; et
  11. l’encouragement, le soutien, l’acceptation ou la fourniture de toute assistance aux fins de commettre des actes terroristes et autres crimes transfrontières violents organisés contre un État membre. »

Les actes d’agression commis dans le cadre de ce pacte ouvrent la porte au mécanisme de sécurité collective encore embryonnaire dans le cadre de l’Union africaine ainsi qu’aux recours devant la Cour africaine de justice.

Conseil de sécurité des Nations unies (CS)Cour internationale de justice (CIJ)Cour pénale internationale (CPI)GuerreLégitime défenseMaintien de la paixUnion africaine (UA)Ordre publicOrganisation des Nations unies (ONU)ResponsabilitéSécurité collectiveSanctions diplomatiques, économiques ou militaires .

Pour en savoir plus

Bugnion F., « Guerre juste, guerre d’agression et droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge , vol. 84, n° 847, p. 523-546.

Dabone Z., « International law : armed groups in a state-centric system », Revue internationale de la Croix-Rouge , vol. 93, n° 882, juin 2011, p. 395-423.

Daudet Y., « La Commission du droit international des Nations unies », Annuaire français de droit international , vol. 29, 1983, p. 499-509.

Dinstein Y., War, Aggression and Self-Defense , Grotius Publications, La Haye, 1998.

Dumée M., « Le crime d’agression », in Droit international pénal, sous la dir. de Ascensio H., Decaux E. et Pellet A., CEDIN- Paris X, éd. Pedone, 2000, 1 053 p., p 251-264.

Kamto M., L’Agression en droit international , Pedone, mars 2010, 464 p.

Kherad R., « La question de la définition du crime d’agression dans le statut de Rome entre pouvoir politique du Conseil de sécurité et compétence judiciaire de la CPI », in R.G.D.I.P. , février 2005, p. 331-362.

Pancracio J.-P., « Un mutant juridique : l’agression internationale ? », Les Cahiers de l’IRSEM , n° 7, 2011, 85 p.

Riffat A. M., International Aggression , Almqvist and Wiksell International-Atlantic Highlands-humanities Press, Stockholm-Paris, 1979.

Zourek J., « Enfin une définition de l’agression », Annuaire français de droit international , vol. 20, 1974, p. 9-30.

Article également référencé dans les 3 catégories suivantes :