Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Commission internationale humanitaire d’établissement des faits

C’est un organe d’enquête permanent sur les violations graves du droit humanitaire. Elle complète les Conventions de Genève en créant un mécanisme d’enquête indépendant sur toute « infraction grave » ou autre « violation grave » des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I. Elle a été prévue en 1977 par l’article 90 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève. L’installation de la Commission nécessitait l’adhésion à l’article 90 d’au moins 20 États. Elle n’est devenue effective qu’en 1991 dans le sillage de la guerre du Golfe. En juin 2015, 76 États avaient accepté sa compétence ; le dernier à l’avoir acceptée est Saint-Kitts-et-Nevis (le 17 avril 2014).

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Compétence

La Commission est compétente pour enquêter sur les infractions et violations graves définies par les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel I de 1977. On parle également dans ces cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Bien que les Conventions de Genève et le Protocole additionnel I s’appliquent exclusivement aux conflits armés internationaux, la Commission a toutefois annoncé, lors de sa deuxième session quinquennale en 1996, qu’elle était disposée à enquêter sur les violations graves du droit humanitaire, notamment les violations de l’article 3 commun, commises dans les conflits armés non internationaux, quand les parties au conflit seront d’accord.

Son rôle est aussi de « faciliter, en prêtant ses bons offices, le retour à l’observation des dispositions des Conventions et du présent protocole » (GPI art. 90.2.c.ii ).

Composition

Elle est composée de quinze membres « de haute moralité et d’une impartialité reconnue » nommés pour cinq ans (GPI art. 90.1.a). Ils sont choisis par les États ayant accepté la compétence de la commission parmi une liste établie par ces mêmes États. Les deux premières élections ont eu lieu en 1991 et 1996. Le dernier renouvellement des membres a eu lieu le 9 décembre 2011 à l’issue d’une réunion des 72 hautes parties contractantes ayant accepté la compétence de la Commission.

Fonctionnement

Saisine

La Commission apporte deux nouveautés par rapport aux mécanismes traditionnels d’enquête sur les violations du droit humanitaire.

  • Tout État qui a souscrit à l’article 90 peut demander l’ouverture d’une enquête, même s’il n’est pas lui-même directement impliqué ou concerné par le conflit. L’enquête ainsi demandée échappe au soupçon de partialité qui lui serait attaché si elle était demandée par l’une des parties au conflit. Elle apparaît davantage comme un mécanisme de contrôle collectif des États, fondé sur des motifs d’ordre public et de respect de la légalité internationale. Mais encore faut-il que la partie au conflit incriminée ait reconnu la compétence de la commission.
  • Les États peuvent adhérer à un article facultatif et reconnaître la compétence de la Commission une fois pour toutes à l’égard d’un autre État qui fait la même reconnaissance, sans qu’il soit ensuite besoin d’un accord spécifique au moment du déclenchement d’une enquête (GPI art. 90.2.a).

Si cette reconnaissance n’a pas été faite de façon explicite, la Commission n’ouvrira une enquête à la demande d’une partie au conflit qu’avec le consentement de l’autre ou des autres parties intéressées (GPI art. 90.2.d).

Enquête

Elle est menée par une chambre de sept personnes non ressortissantes des parties au conflit et choisies parmi les membres de la Commission selon « une répartition géographique équitable » La Commission peut demander la fourniture des éléments de preuve aux parties au conflit mais également recourir à sa propre enquête, y compris sur place. Elle débouche sur la présentation d’un rapport aux États accusés de violations, qui ont un droit de réponse. Ce rapport est confidentiel, mais la Commission peut décider de le rendre public si les parties au conflit le lui demandent, ou si elle estime que rien n’est fait pour faire cesser les violations. C’est l’État qui demande l’enquête qui doit avancer l’argent nécessaire à celle-ci. Les charges doivent ensuite être remboursées par la ou les parties au conflit qui sont mises en cause.

  • Les États qui ont créé cette commission ne lui ont pour l’instant confié aucune enquête à réaliser. Il y a une tendance générale des États à ne pas mettre en accusation d’autres États pour des violations du droit humanitaire. Quand ces violations sont flagrantes, les États préfèrent désigner des organes d’enquête ad hoc qui ont une fonction plus diplomatique que judiciaire.
  • Les ONG ne peuvent pas saisir directement la Commission d’établissement des faits, mais elles peuvent demander aux États de saisir de façon prioritaire cet organe, qui est le seul organe d’enquête permanent prévu par les Conventions de Genève.

Liste des pays ayant reconnu la compétence de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits : Algérie, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belarus, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Bulgarie, Burkina Faso, Canada, Cap-Vert, Chili, Chypre, Colombie, Costa Rica, Croatie, Danemark, Émirats arabes unis, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Guinée, Hongrie, Iles Cook, Irlande, Islande, Italie, Japon, Koweït, Laos, Lesotho, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Madagascar, Malawi, Mali, Malte, Mongolie, Monténégro, Monaco, Namibie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Panama, Paraguay, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Qatar, République de Corée, République démocratique du Congo, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Rwanda, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Serbie et Monténégro, Seychelles, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Tadjikistan, Togo, Tonga, Trinité et Tobago, Ukraine, Uruguay.

Les autres mécanismes juridiques de sanction des violations graves du droit humanitaire

  • En dehors de ce mécanisme de surveillance et d’application des conventions, le droit humanitaire prévoit différentes méthodes légales pour enquêter, poursuivre et sanctionner les infractions graves : elles reposent sur l’obligation des États de punir les auteurs des violations graves, mais aussi sur la possibilité pour les victimes individuelles de porter plainte devant les tribunaux nationaux de n’importe quel pays. Il s’agit du système de compétence universelle.
  • D’autres mécanismes ont en outre été créés de façon ad hoc pour sanctionner les violations graves du droit humanitaire, comme les tribunaux pénaux internationaux.
  • Le statut de la Cour pénale internationale a été adopté à Rome le 17 juillet 1998. Elle est compétente, sous certaines conditions, pour juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. L’entrée en vigueur du statut s’est faite le 1erjuillet 2002, date à partir de laquelle les individus qui se rendent coupables de l’un des crimes énoncés dans le statut peuvent sous certaines conditions être passibles de poursuites devant la Cour.

Contact

Commission internationale humanitaire d’établissement des faits

Palais fédéral, CH 3003 Berne / Suisse.

Tél. : (00 41) 31 322 30 82/Fax : (00 41) 31 324 90 69.

http://www.ihffc.org

Pour en savoir plus

Ashley Roach J., « La Commission internationale d’établissement des faits. L’article 90 du protocole I additionnel aux Conventions de Genève », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 788, mars-avril 1991, p. 178-203.

Barbier S., « Les commissions d’enquête et d’établissements des faits » , in Droit international pénal, sous la dir. de Hervé Ascensio , Emmanuel Decaux et Alain Pellet , Pedone, 2000, 1 053 p., p. 697-713.

Condorelli L., « La Commission internationale humanitaire d’établissement des faits : un outil obsolète ou un moyen utile de mise en œuvre du droit international humanitaire », RICR , n° 842, juin 2001, p. 393-406.

Saracco M., « La Commission internationale d’établissement des faits : une efficacité encore inconnue », Situation , n° 29, journal du Centre de recherches Droit international 90, printemps-été, 1997, p. 35-43.

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